Une autre façon de se tenir.

Ici, il est sûr qu'on est, dehors, partout un peu chez soi. Les gens sont accueillants, dans l'ensemble. Les bonjours ne manquent pas, au passage dans les rues, même de voix qu'on n'a jamais entendues de sa vie. Certains poussent le vice de l'amabilité jusqu'à installer des salons devant leur porte pour que le promeneur puisse s'y installer. Il suffit qu'un voisin sorte un vieux canapé pour qu'un autre y ajoute une table basse dont il ne se sert plus, un troisième apporte un mini-bar avec des fonds d'alcool et quelques verres ébréchés, un autre une télévision dans son meuble démontable à laquelle il ne manquera plus que l'électricité. On voit alors fleurir, de part les rues, sur les trottoirs, des chambres à coucher, des salles de bains émaillées, des cuisines intégrées, de vrais appartements en plein air qu'on viendra peut-être habiter, et qui déjà, sans même y pénétrer, font plaisir à voir. On ne quitte plus son intérieur, même à l'extérieur, entre sa propre résidence et le marché couvert, la librairie et le café. La ville devient une grande maison où chacun se sent chez soi. Il n'y a plus de clochards, ici. Depuis longtemps, il n'y a plus que des passants, d'une pièce à une autre. Et chaque coin de rue ou le dessous d'un pont est un domicile sans adresse où tout le monde vit un peu.

 

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